Les XIIe au XIIIe siècles constituent pour la chevalerie de Bretagne, sans doute plus que pour tout autre, un grand moment de passage. Elle doit choisir entre deux dynasties royales, entre les Plantagenêts
et les Capétiens, entre deux monarchies féodales, l'une plus fédéraliste, l'autre plus centralisatrice, entre deux modes de vie, la première plus maritime, plus ouverte au monde et la seconde plus continentale et plus resserrée. Ayant participé activement à la conquête de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant au XIe siècle, ayant permis à son fils Henri Ier Beauclerc de créer au début XIIe siècle un royaume anglo-normand, la chevalerie bretonne est extrêmement influente dans l'Occident chrétien. Henri II Plantagenêt, héritier de ces rois et fondateur d'un immense empire maritime, ne s'y trompe pas et fait tout pour que les Plantagenêts disposent de la puissance militaire bretonne.
Mais cette chevalerie ne pardonne pas les erreurs du roi Jean sans Terre, et joue un rôle majeur dans l'effondrement de cet empire. Toutefois, un malentendu s'installe : pour elle, son alliance avec l'adversaire des Plantagenêts, le roi capétien de France, Philippe Auguste, ne peut durer, opinion que ne partage bien sûr pas ce roi qui installe sur le trône de Bretagne son proche cousin, Pierre de Dreux. Pour la chevalerie alors maîtresse de la Bretagne, cette présence capétienne signifie non seulement la perte de ses biens et de ses liens avec l'Angleterre, mais encore la fin d'une relative autonomie. Pendant toute la
première moitié du XIIIe siècle, elle manifestera souvent les armes à la main son mécontentement et son opposition. Victorieuse contre Pierre de Dreux à l'issue de la guerre civile de 1230-1235, mais poussée par les mutations politiques, sociales et économiques, elle finit par trouver un compromis en 1260 avec le très riche duc de Bretagne, Jean Ier le Roux.