Baroudeur inlassable des chemins d'Europe et du monde, Rimbaud devint cavalier dans la deuxième partie de sa vie, alors qu'il arpentait en tous sens l'Abyssinie. Qu'est-ce que cela change de l'imaginer sur sa monture, solitaire et assurément taciturne, entre la mer Rouge et Harar ? Si le point de vue équestre confirme ce que l'on sait de son caractère, de ses élans nomades, de la construction de son mystère, il renforce l'idée que l'on se fait de cette vocation rimbaldienne de l'exil dramatique, qu'il soit effectif ou intérieur, les tumultueux galops précipitant sa vie trop courte vers un insidieux pourrissement. Rimbaud va en effet, par ses chevauchées incessantes, s'abîmer puis mourir, loin de la poésie et de ses orages désirés.
Ce drame à venir, il le pressent parfois dans certaines de ses Illuminations, où toujours la fuite se confond avec au mieux l'incertitude, au pire l'anéantissement, à l'occasion de brèves allusions au monde équestre - cheval qui détale, carrosse fantasmatique ou juments bleues et noires qui s'éloignent au grand trot.
Malgré ses promesses de crépuscule, Rimbaud à cheval s'emploie à poursuivre ses anabases, à la recherche de l'autre, à la recherche de soi, dans des cavalcades insensées à la mesure de son impatience.