Les citoyens manquants
Cet essai réfléchit sur le concept de citoyens manquants, en prenant comme point de départ les violences dans les banlieues françaises, et en se concentrant sur l'observation des migrations contemporaines et la construction des citoyennetés.
Ce concept s'inspire de celui, hérité de la sociologie indienne (Amartya Sen), de femmes manquantes : en effet, elle nomme ainsi toutes les fillettes et les femmes écartées par des avortements sélectifs, une malnutrition ciblée, voire par la mort.
Les citoyens manquants, ou encore les européens manquants, sont tous les migrants qui vont vers l'Europe, tous ceux morts à nos frontières attirés par des promesses qui ne leur étaient jamais destinées, mais également toutes les populations qui, à l'intérieur même de nos frontières, sont reléguées en marge de nos sociétés (errantes, ou habitantes ries bidonvilles, ou encore cantonnées dans les « quartiers »).
Les citoyens manquants sont exposés par des opérateurs politiques croisés, tels que le « sexe », la « classe », la « race », les « migrations », la « langue », la « traduction », la « nation », les « frontières », les « banlieues », la « violence », la « laïcité », les « savoirs », le « sujet », qui sont autant de filtres de la domination, évoqués et étudiés ici.
Le fait de nommer les citoyens européens manquants rend visible une population occultée, mais, de fait, qui nous est constitutive.
Ce concept de citoyens manquants donne chair à une citoyenneté de l'avenir.