Née lors des guerres de religion, généralisée sous Richelieu puis définitivement implantée sous Mazarin, l'institution des commandants en chef a progressivement surplombé une administration des provinces héritée du XVIe siècle. Enlevant aux gouverneurs indésirables leurs compétences militaires, investissant au civil une partie de celles confiées aux intendants et en charge par le roi de « faire ce qu'il y ferait lui-même », les commandants ont su, par étapes, construire une administration pérenne des commandements. Égrenant sous eux des commandants en second, appuyée par des commandants en troisième et une multitude de commandants particuliers, épaulée par un personnel « au plus près des populations » et grignotant subtilement les offices en place, cette administration a habilement investi les anciennes autorités locales. Elle les a mises en charge, en son nom, - par le canal de subdélégations - d'intervenir en tout : police, sécurité, salubrité, surveillance, religion. Confiée parfois à ces gouverneurs et lieutenant généraux des provinces en mal de reconnaissance mais fidèles, la charge de commandant permet à la noblesse de revendiquer un rôle administratif proche des populations sans pour autant l'éloigner du pouvoir central ni des responsabilités d'État qu'on jugerait utile de leur confier.
Cumulant pouvoirs militaires et civils, on les voit s'imposer aux Parlements et aux États, rappeler aux intendants de justice et de finances - avec lesquels les évènements perturbent les partages prévues de compétences - « qu'ils sont les leurs », suivre attentivement les différentes écoles de pensée (dont celle du despotisme éclairé), investir leurs fortunes dans les industries, commerces et agricultures nouvelles, s'imposer dans les colonies tout en nouant des liens inévitables avec les « marins » dans les provinces « maritimes ». Cette diversité de tâches (y compris de regrouper sous leur autorité plusieurs provinces lors des guerres qui menacent les frontières) les met au coeur de toutes les disputes de pouvoir, de tous les défis de société, des évènements internationaux et de toutes les réformes du dernier siècle de l'Ancien Régime, militaires (celle des Divisions surtout) et autres.