Au commencement, c'est une histoire vieille comme le monde, celle des petits soldats qu'on enrôle pour aller se faire trouer la peau, aux Thermopyles, à Fontenoy ou à Sarajevo... Ensuite il est question de la France, de la Révolution et du général Jourdan qui inventa la conscription... Ça se termine par une bande de jeunes gens de 20, 30, 40, 50, 60, 70, 80, 90 ans... qui déferlent par vagues tous les derniers dimanche de janvier dans la rue Nationale de Villefranche-sur-Saône ; dans le Beaujolais et bien au delà tout le reste de l'année.

L'histoire, c'est Jean Prost qui nous la raconte, de l'antiquité à nos jours, de Sparte à la Calade. La fête, Philippe Branche et Julien Verchère nous la font vivre ou revivre : de la remise du drapeau au retinton, du haut de la rue Nat' jusqu'au sommet du Mont Brouilly.

La fête des conscrits reste toujours la plus grande fête de Villefranche en dépit des changements de siècles et elle en a déjà connu trois ! Le même constat vaut pour les villages du Beaujolais et de la vallée de la Saône.

On peut s'étonner de cette longévité quand on sait qu'il y a un peu plus de cent ans que toutes les communes de France ou presque la célébraient aussi. Ailleurs la fête a disparu ; ici, elle s'est maintenue.

A la fin des années 70, le chercheur Michel Bozon s'était interrogé, dans un livre très argumenté, sur cette « exception française ». Quelques années plus tard, j'avais moi-même publié un ouvrage sur l'histoire de cette fête, fruit d'un long travail de compilation des archives locales. Mais c'était il y a vingt ou trente ans ! Nous sommes en 2012... et la fête continue.

Je salue donc ce nouveau livre qui, s'il n'a pas l'ambition d'une thèse universitaire, se veut une oeuvre de vulgarisation dont la lecture est aisée et la présentation de qualité, comme les Editions du Poutan nous y ont habitué.

Il reste que le mystère demeure. Née d'un tirage au sort, la fête des conscrits a survécu à sa suppression. Comme elle a survécu à deux guerres mondiales dont l'une faucha 750 hommes dans nos rangs. La fin de la conscription en 1996 aurait pu lui porter un coup fatal. Il n'en a rien été.

C'est que cette fête, au fil du temps, n'est plus ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Il lui faudra pourtant relever d'autres défis.

Nous ne sommes plus à l'époque où le jeune homme qui célébrait ses vingt ans mourrait un jour dans la ville qui l'avait vu naître. La mobilité géographique est passée par là.

Beaucoup d'anciens Caladois ont quitté définitivement leur ville et déserté les rangs de la vague... même si certains d'entre eux continuent de lui être fidèle tous les dix ans... Beaucoup de nouveaux Caladois ne savent pas trop si cette fête est pour eux... s'ils ont le droit d'y entrer !

Ce livre sera le bienvenu s'il peut convaincre les anciens Caladois de revenir plus nombreux et les nouveaux à tenter l'aventure.

C'est à cette condition là - et à cette condition seulement - qu'il y aura toujours dans cent ans à Villefranche et tout autour une fête des conscrits.

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