Ma voisine a donné le jour à son septième enfant. Son mari, furieux, a quitté le domicile conjugal et ma voisine, une mélomane amatrice de harpe, m'a sollicité pour le remplacer.
Il faut que je réfléchisse à son invitation. Le problème n'est pas d'ordre financier : ma condition me permettrait de subvenir aux besoins du ménage. Je suis Poète d'Etat et ne suis donc pas freiné par des questions matérielles. Ce qui me fait davantage hésiter, c'est l'amour qui pourrait naître d'une telle situation et se répandre dans ma vie jusqu'à prendre toute la place. De cela, je ne veux pas.
J'ai parlé de ces appréhensions avec ma voisine. Elle a proposé de revendre certains de ses enfants pour alléger le système affectif. Il lui semble par contre inimaginable de rogner sur sa part d'amour.
Les négociations sont au point mort.
Les Contes à réchauffer naviguent à vue dans les eaux du délire et du non-sens. Ils sont pourtant étrangement sérieux.
Quelque part entre Kafka et Nino Ferrer, sous le haut patronage des deux illustres citoyens d'Honfleur, Erik Satie et Alphonse Allais, Eric Durnez a composé ces petites histoires décalées, fragments suspendus dans le vide d'un monde à la dérive qui ressemble à s'y méprendre au nôtre.
Une étrange galerie de personnages s'affirme au fil des contes : Madame Dumonceau, le Colonel Ségur, Charles Desmet, un dermatologue génial, Gisèle et Jean-Louis... Ils hantent la mémoire du narrateur, le « je », qui semble toujours à la recherche de son âme perdue...