Les courants historiques en France
L'opération historique ne peut plus être naïve. Depuis un certain nombre d'années, l'histoire fait retour sur elle-même pour interroger les notions en usage, ce qui implique de la part de l'auteur comme du lecteur d'histoire de s'interroger sur ce que faire de l'histoire veut dire.
De plus en plus, on ressent la nécessité du détour historiographique afin de mieux s'approprier ce qui constitue l'originalité, la singularité de la pratique historienne. On comprend alors l'irréductible pluralité de l'histoire en faisant passer Clio de l'autre côté du miroir dans une approche essentiellement réflexive.
L'objet de cet ouvrage est donc d'inviter son lecteur à un parcours qui le conduit à s'interroger sur la place centrale attribuée à l'histoire depuis la discontinuité majeure que symbolise la Révolution française de 1789 jusqu'à nos jours.
Ce parcours s'étend sur deux siècles, le 19e et le 20e, et a fait apparaître l'histoire comme se situant à la croisée de trois dimensions : elle est le produit, d'une part, d'un lieu social marqué par l'institution historique et plus largement par sa relation au corps social ; d'autre part, l'histoire est médiatisée par une technique, des procédures d'analyse et des pratiques scientifiques ; enfin, l'histoire est écriture, ce qui implique d'être attentif aux règles discursives de ses sources et de son énonciation, sans pour autant s'enfermer dans la seule dimension du langage.
Ce parcours veut ainsi rendre compte d'un processus d'autonomisation - théorique, professionnelle, institutionnelle - de la discipline historique en France, dans ses avancées comme dans ses incertitudes. Ce processus est aussi celui de l'incessant combat des historiens pour défendre la visée de vérité d'un « faire de l'histoire » pluriel toujours plus confronté aux pressions des demandes sociales et aux exigences renouvelées de leur responsabilité sociale.