Ce livre tourne tout entier autour de la nakbah, la «catastrophe» que fut l'expulsion des Palestiniens en 1948. Niée pendant près de quarante ans par l'historiographie israélienne, elle a été étudiée et reconnue grâce aux travaux des «nouveaux historiens», parmi lesquels Ilan Pappé est une figure essentielle.
Il montre comment cette nouvelle version de l'histoire de la guerre de 1948, d'abord acceptée dans l'ambiance d'ouverture des années 1990, est devenue synonyme de trahison dans la «clôture de l'esprit et la militarisation de l'espace public», lors du déclenchement de la deuxième Intifada, à l'été 2000. Un cas exemplaire sert de base à la démonstration: Teddy Katz avait écrit un mémoire de maîtrise, à l'université de Haïfa, sur un massacre commis en mai 1948 par l'armée israélienne à Tantoura, village côtier arabe. Les anciens combattants ayant porté plainte contre lui, il s'ensuivit une longue affaire universitaire et judiciaire, au bout de laquelle le pauvre Katz, brisé, vit son mémoire refusé et sa réputation salie. Pappé, qui avait pris sa défense, fut dès lors mis au ban de l'université et, pour finir, menacé d'exclusion - que seule une protestation internationale des universitaires et des chercheurs permit d'éviter.
Ilan Pappé n'a pas écrit ce livre pour se plaindre de son sort mais pour montrer la dérive de la «seule démocratie du Proche-Orient» sous l'effet de la guerre et de l'occupation, et en particulier le maccarthysme à l'oeuvre à l'intérieur du rempart traditionnel des libertés, l'université.