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L'assassinat du professeur Samuel Paty nous le rappelle dramatiquement : on tue aujourd’hui pour des images. Qu’il s’agisse de la figure du Prophète, ou de vidéos mettant en scène la destruction de sites historiques comme Palmyre ou Bamiyan, les représentations imagées se trouvent de plus en plus souvent au cœur de conflits, suscitant des réactions individuelles violentes ou soudant par la colère ou la peine des communautés outragées. D’où vient que les images ont acquis une telle puissance ? Peut-on, pour le comprendre, se contenter d’opposer à un islam qui serait traditionnellement iconoclaste les libertés démocratiques de notre héritage laïc ? Puisant notamment dans l’histoire de l’art, Bruno Nassim Aboudrar interroge le régime de visibilité de ces images. Ce qui lui permet de débusquer un malentendu : ainsi, caricaturer Jésus ou Mahomet ne blesse pas les chrétiens et les musulmans de la même manière, pour des raisons qui tiennent non à l’intention de leur auteur, mais à l’histoire visuelle des figures respectives des deux prophètes. Il explique également l’indignation paradoxale d’occidentaux laïcs, blessés eux aussi par la destruction d’images qu’ils rattachent à un « patrimoine de l’humanité », lequel est lui-même tributaire d’une certaine vision de l’« Orient ». Sans minorer les apports de la géopolitique, de la sociologie ou de la théologie, mais déplaçant le sujet hors de la sphère politique ou religieuse, cet essai novateur interroge nos réactions émotionnelles aux images et révèle comment, à l’aube du XXIe siècle, nous pourrions être tous devenus idolâtres.