Un énorme solitaire débouchait des taillis, et au moment où Michel l'apercevait, s'arrêtait devant lui, le groin en avant, à quarante pas. Les réflexions de l'homme et de l'animal se croisèrent.
« Viser au boutoir ? Impossible » se dit Michel.
« L'ennemi ! La mort ! » grogna le monstre, en traversant la ligne comme un bolide.
Mais Rajecki l'avait couché en joue, il le suivit à travers la ligne et au moment où le sanglier passait derrière un buisson, il tira. Il sentit la balle jaillir du canon avec un claquement de fouet ; il l'entendit s'enfoncer dans la masse mouvante comme dans un tambour, et il attendit une seconde, sans souffler. Le sanglier fit encore une vingtaine de pas à travers les taillis, glissant pesamment, comme une souche noire, tirée par une mécanique, et, comme Michel allait presser l'autre détente, il s'écroula en faisant gémir la terre [...]
Plusieurs collègues entourèrent bientôt Michel qui s'efforçait de dominer sa joyeuse fierté et de fournir des explications calmes.
Le maître-veneur Kowalski survint précipitamment.
- On pense que le Chaskiel était dans l'enceinte, cria-t-il, vous l'avez sans doute abattu.
- J'ai tué un sanglier monstre, répondit Rajecki. Qu'est-ce que ce Chaskiel ?
- Le plus gros solitaire qu'on ait jamais signalé dans ces parages, avec des poils roux comme des favoris [...] Si c'est lui, vous avez de la veine. Il ne s'était jamais mis à portée de fusil.