«Le chien était revenu. De son trou, Virgil sentait son haleine
humide. Une odeur de lait tourné, de poulet, d'épluchures de
légumes et de restes de jambon. Un repas de poubelle comme
il en disputait chaque jour à d'autres chiens depuis son arrivée
en France. Ici, tout s'était inversé, il construisait des maisons
et habitait dehors. Se cassait le dos pour nourrir ses enfants sans
pouvoir les serrer contre lui et se privait de médicaments pour
offrir des parfums à une femme dont il avait oublié
jusqu'à l'odeur...»
1992. Lampedusa est encore une petite île tranquille et aucun mur de
barbelés ne court le long des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla.
Virgil, le Moldave, Chanchal, le Bangladais, et Assan, le Somalien, sont
des pionniers. Bientôt, des millions de désespérés prendront d'assaut
les routes qu'ils sont en train d'ouvrir.
Arrivés en France, vivants mais endettés et sans papiers, les trois clandestins
vont tout partager, les marchands de sommeil et les négriers, les
drames et les petits bonheurs.