Créés en 1928, l'Opéra de Quat'sous et ses personnages Makie le surineur et Polly Pitchum,
s'imposent sur toutes les scènes. Les airs de Kurt Weil, repris par Louis Amstrong et Ella
Fitzgerald sont chantés à New York, à Londres, à Paris, présents dans toutes les mémoires.
Le film de Pabst, tourné en 1931, leur assure la notoriété internationale. Cependant,
Bertolt Brecht voit disparaître dans le brasier le soir du 10 mai, l'Opéra de Quat'sous suivi
de Sainte-Jeanne des abattoirs.
Stephan Zweig, homme public, un des plus célèbres romanciers de la langue allemande,
apprend à Vienne où il réside, que ces livres brûlent à Berlin. Il en restera atteint d'un
pessimisme qui ne le quittera pas de sa vie.
La nuit du 10 mai 1933, les nazis se souviennent de ce dramaturge hongrois porteur
d'un nom à particule lorsqu'ils livrent ses oeuvres aux flammes. Ödôn von Horvath est
sans doute un des seuls à avoir eu l'audace d'adresser à Hitler, face à face, des injures,
à Munich quatre ans plus tôt.
Lorsque la Marche de Radetski est la proie des flammes, son auteur Joseph Roth est
assis autour d'une table dans un café à Paris, rue de Tournon. Avec Soma Morgenstern,
Arthur Koestler, Walter Benjamin, ses amis émigrés, il partage son désespoir et sa nostalgie
de l'Autriche impériale.
Ils étaient partis d'Allemagne, d'Autriche, ou des confins de l'Est de l'Europe, plaines
inconnues du Danube, de Voïvodine, Moldavie, Bucovine, Valachie, Galicie, Bessarabie
et autre Baragan, arrachés de leur sol, tels les chardons emportés par les vents d'automne.
Déracinés par la tourmente ils cherchaient un coin d'accalmie, un abri impossible où poser
la page d'écriture, glaner quelques lecteurs, rares lecteurs aujourd'hui enfin trouvés, après
un demi-siècle d'oubli.