Les esclaves allèrent balayer le sol devant la porte du palais et l'asperger d'eau, puis ils sortirent un fauteuil à la mode franque. Baïbars, accompagné d'Ahmad Agha et de tous les autres, alla s'asseoïr. Ils étaient en train de converser entre eux quand soudain déboucha de la ruelle... un éléphant ? un djinn ? un démon ? Baïbars, le regardant, n'en crut pas ses yeux : c'était long comme un bambou, large comme une porte cochère ; cela avait un torse et des épaules énormes, deux jambes solides et nerveuses, une tête aussi grosse que deux têtes d'homme ordinaire, et une poitrine si large qu'entre un téton et l'autre on aurait pu s'asseoir à l'aise. La tête était coiffée d'un turban cramoisi à calotte écarlate, le corps couvert d'un cache-poussière à boutons d'or gros comme des noisettes, le visage orné de moustaches noires pareilles aux ailes d'un aigle. Une armure de trente-six pièces toute en acier bleui le couvrait de pied en cap : casque, hausse-col, double pourpoint rembourré, jambières. Il marchait en faisant résonner le sol sous ses pas, comme un chameau en rut, et sa châkriyyeh, large comme le vantail d'une porte de boutique, battait ses jambières d'acier en faisant un tintamarre terrible.
(Extrait)