« Où se passent ces Choéphores ? Ces Euménides ? Elles se passent il y a très longtemps, dans des pays de pierres où nous n’avons jamais été. Et cependant, pour notre peine, nous subissons ces duretés, ces noirceurs nous assombrissent, ces poisons nous enivrent aujourd’hui. D’une part, ce sont des événements qui ont eu lieu il y a des millénaires, avant notre culture, avant notre histoire. D’autre part, ces terreurs ont en nous leurs pareilles. Ils sont encore en nous ou tout près de nous, ces violents états de l’âme, qui nous bouleversent, nous désordonnent, sont plus forts que nous, font de nous en nous-mêmes des exilés, des affolés, des obsédés, ce sont ces affreux inconnus, que, dans notre égarement, nous appelons deuil, mélancolie, haine, soif de vengeance, comme si, avec des mots pour les nommer nous espérions brider leurs impensables déchaînements. »
Hélène Cixous