«Je me sers d'animaux pour instruire les hommes» disait La Fontaine. Quand il veut
faire l'ange, l'homme, on le sait, ne tarde pas à faire la bête. Quand il donne libre cours
à ses mauvais instincts, il se ravale très vite à un rang inférieur à celui des quadrupèdes.
Quand Hitler a donné l'ordre à ses troupes d'envahir la Pologne, il a déclenché une
vague d'indignation parmi tous les peuples civilisés. Le conflit allait durer cinq ans
et entraîner la mort de quelque 40 millions de personnes. C'est alors que parut - dès
1939 - l'album «Les Fables de La Fontaine et Hitler». Cette sélection de fables très
astucieusement illustrées par J.-Y. Mass et D. Collot qui eurent naturellement recours à la
célèbre moustache et la mèche du dictateur devait sonner comme un avertissement. Cet
album, textes et dessins, dénonçait la férocité et la mégalomanie du chancelier allemand.
Il mettait entre les mains des adultes mais aussi des plus jeunes la préfiguration de ce qui
allait prochainement se passer tout au long de la Seconde Guerre mondiale.
Les Nouvelles Éditions Latines, appelées autrefois Éditions Sorlot, avaient déjà commencé
depuis plusieurs années la publication de textes antinazi avec des auteurs allemands tels
que Moeller van den Bruck ou Konrad Heiden. Tous ces ouvrages devront être détruits
à l'arrivée des Allemands à Paris. Ils figuraient sur la fameuse liste «Otto», du nom de
l'ambassadeur d'Allemagne Otto Abetz, qui censurait l'édition française dépendante du
ministère du Reich à l'Éducation du peuple et à la Propagande, la Propanganda Staffel
de Paris avait, dès le 28 août 1939, établi un contrôle préventif des imprimés. Plus de
mille textes anti-allemands ou dits subversifs ont été consignés sur cette liste qui sera
d'ailleurs complétée dans les mois suivants. Cet album tombait sous les rigueurs de la
censure allemande ainsi que quelques autres titres des Éditions Sorlot.