Les familles nombreuses
Une question démographique, un enjeu politique. France (1880-1940)
Alors que depuis le début du XIXe siècle, la France compte le nombre de ses enfants et montre le chemin du malthusianisme au reste de l'Europe, certaines familles restent prolifiques. Plus rares sous la Troisième République, elles sont stigmatisées. Les parents sont vertement critiqués pour leur imprévoyance et la société bourgeoise redoute le déferlement de hordes de leurs enfants mal tenus. Un corpus de dossiers de familles nombreuses qui prétendent à un prix récompensant les plus prolifiques permet de lever le voile sur leur quotidien. Par delà les représentations, elles apparaissent singulièrement vulnérables.
Et pourtant, accablées de reproches, fragiles, les familles nombreuses vont devenir celles par qui le salut de la Nation est encore possible. En effet, la diminution de la natalité en France alerte les élites sur les conséquences attendues du déséquilibre numérique entre les pays européens. En 1896, un groupe de pression, l'Alliance nationale pour l'accroissement de la population française est créé dont l'objectif affiché est d'obtenir des réformes fiscales - la péréquation des charges familiales - en faveur des familles nombreuses. Parallèlement, une intense propagande doit convaincre les plus restreintes à accroître le nombre de leurs enfants. À ses côtés, mais davantage motivés par la restauration des valeurs familiales ou par l'obtention de quelques avantages et ristournes, des pères de familles nombreuses se réunissent en association. Ce mouvement nataliste et familial obtient la mise en place de mesures qui aboutiront à une politique familiale « à la française » et lui donneront ses spécificités.