Dans les faubourgs d'Armentières, le 28 mai 1940, commença la
captivité de mon père, mais, surtout, l'histoire de sa captivité, l'histoire
de ses histoires, racontées à table, et que ses enfants n'écoutaient plus,
croyant trop bien les connaître. Il évoquait ses racines paysannes, la
Grande guerre, l'occupation, les amis d'outre-Rhin redevenus ennemis,
la destinée de familles sans éclat ni destin spectaculaire.
La vie de ceux qui ne cherchent pas la gloire et ne laisseront
aucun nom dans l'histoire ne mérite-t-elle pas d'être connue ? Ces récits
auxquels je ne prêtais guère attention, il me faut maintenant tenter
de les rebâtir ; tenter de ne rien oublier de ce que je n'ai pas vécu.