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La séparation du savant et du politique s’est imposée au France au début de la IIIe République, libérant un espace dans le débat public qui fut occupé, à partir de l’affaire Dreyfus, par trois nouveaux personnages. Il y eut d’abord, par ordre d’entrée en scène, l’intellectuel révolutionnaire, philosophe d’obédience marxiste, qui se battait pour l’abolition de la division du travail et de l’exploitation de l’homme par l’homme. Vint ensuite l’intellectuel de gouvernement, souvent historien, qui invoqua les « leçons de l’histoire » pour prôner des réformes modérées. Enfin, l’intellectuel spécifique, dans la lignée de Pierre Bourdieu, affirme depuis peu que la science sociale est susceptible de guider la marche des hommes d’action.
Tout au long du XXe siècle, ces trois figures de l’engagement intellectuel se sont affrontés sans merci. Tant que la conjoncture a nourri la croyance selon laquelle les savants étaient doués d’une lucidité particulière dans le domaine de la politique, les intellectuels ont eu le vent en poupe. Mais l’effondrement du mouvement ouvrier leur a été fatal.
Aujourd’hui, privés d’appuis extérieurs pour se faire entendre sur la place publique, ils sont condamnés à se regrouper et à coordonner leurs efforts s’ils veulent continuer à exercer un magistère dans la cité. C’est ainsi que l’avenir des intellectuels français dépend finalement de la réponse qu’ils apporteront à la seule question qu’ils n’ont encore jamais oser affronter : « Qu’avons-nous en commun ? »