Le grand public connaît de Helmholtz le physicien et le physiologiste. Il ignore
trop le philosophe et le mathématicien. Son influence sur la pensée mathématique
et les fondements de la géométrie fut pourtant considérable. Les deux
mémoires Sur les fondements factuels de la géométrie (1868) et Sur le sens et la
signification des axiomes géométriques (1870) que nous éditons ici en français
l'illustrent. Ils marquent une avancée décisive dans l'histoire de la pensée. Pour
la première fois sans doute depuis Kant s'y trouve posée à nouveaux frais la question
de la nature de l'espace et des fondements de la géométrie.
Dans un style limpide, Helmholtz y démontre la nécessité de l'expression riemannienne
de la distance dans un espace à courbure constante, une fois admis le
mouvement libre des solides. Mieux, il y démontre, après avoir pris connaissance
du modèle de Beltrami, que la détermination de la géométrie de l'espace physique
ne peut se faire sans l'adjonction à la géométrie d'une partie de la mécanique.
On voit combien la réflexion engagée par Helmholtz porte loin. Elle permet de
retrouver les conclusions de Riemann en les abordant d'un point de vue plus synthétique
et, du même coup, d'invalider tout un pan de tradition qui, à la suite de
Kant, s'était évertué à s'imposer comme le seul discours autorisé sur la géométrie.
Ainsi, l'oeuvre de Helmholtz sur les fondements de la géométrie s'impose
comme véritablement fondatrice. Elle ouvre la voie à une présentation sui gene -
ris des concepts géométriques, dans laquelle la géométrie est affranchie des chaînes
de l'intuition pure et des formes transcendantales de la sensibilité, et où la
question de la nature de l'espace physique peut trouver à terme sa solution
concrète.