En Asie, le grand hôtel est directement lié au voyageur étranger. Il correspond à un temps non seulement de modernisation urbaine mais aussi d'ouverture et de relation avec les Occidentaux. C'est donc un lieu de rapport de forces économiques, d'importation de techniques modernes et de comportements nouveaux, un lieu enfin de confrontation culturelle. Objet urbain importé de l'Occident, le grand hôtel s'impose néanmoins comme marqueur des sociétés urbaines asiatiques. Il invite ainsi à reconsidérer les oppositions classiques entre la tradition et la modernité, l'identité asiatique et l'occidentalisation. Différentes générations de grands hôtels coexistent aujourd'hui dans les métropoles développées d'Asie que sont Tôkyô, Séoul, Hong Kong, Shanghai ou Pékin. Nombreux sont leurs atouts pour attirer les clients locaux et étrangers : ils s'appuient sur l'évocation de temps magnifiés et révolus, ou au contraire sur la modernité et le renouveau qu'ils incarnent ; ou bien ils jouent de leur double identité occidentale et asiatique ; enfin, ils offrent des services spécifiques (bar de nuit, salle d'exposition, centre de conférence...). Deux démarches sont ici suivies : une comparaison de l'usage asiatique du grand hôtel – et de ses temporalités – avec celui en Europe et en Amérique du Nord ; puis, l'analyse des modèles urbains venus d'Occident non pas sous l'angle de la seule importation mais aussi sous celui d'une histoire proprement asiatique de l'occidentalisation. À partir d'un objet singulier, cet ouvrage propose une interrogation sur la ville dans ses dimensions spatiale, sociale et de représentation. Il porte en particulier sur les sociabilités urbaines en Asie aujourd'hui, et il est issu d'une réflexion commune entre architectes, historiens et géographes, tous spécialistes de l'Asie orientale.