Sur le Staline et l'URSS des années 1939-1953, je n'ai pas souvenir d'avoir lu de travail universitaire aussi sérieux et globalement indifférent au qu'en-dira-t-on (c'est-à-dire à l'historiographie occidentale dominante) depuis la généralisation à l'ensemble de l'Europe, au cours des années 1980, de la chape de plomb réactionnaire. Tout en sacrifiant d'abondance au thème du « dictateur soviétique » et en se défendant de vouloir « réhabiliter Staline », Roberts s'est livré à un bel exercice de courage intellectuel. C'est en ce début du XXIe siècle faire beaucoup pour la science historique que de résister à la marée antisoviétique qui a recouvert le champ de la « soviétologie » internationale et submergé la française. L'historien irlandais aura notablement contribué à donner satisfaction posthume à la revendication d'histoire honnête de l'URSS émise en 1964 par Alexander Werth qui - à la différence de son fils Nicolas, porté toujours plus loin au fil du temps vers la diabolisation de Staline et vers l'indulgence pour tout label antisoviétique - aima le peuple soviétique de la « Grande Guerre patriotique » et estima grandement son leader « aux nerfs d'acier » (formule empruntée au maréchal Joukov).
Annie Lacroix-Riz,
professeur émérite d'histoire contemporaine (Paris VII)