Alors que la question de la culture de masse a été au centre des préoccupations
des chercheurs français à la fin des années 1950 et dans les années 1960
- notamment avec la création du Centre d'étude des communication de
masse par Georges Friedmann, Roland Barthes et Edgar Morin -, cet objet a
été ensuite délaissé, voire disqualifié, par une sociologie française de plus en
plus dominée par la sociologie de Pierre Bourdieu, jusqu'au point d'orgue
dénonciateur qu'a été en 1995 son livre Sur la télévision. Pendant ce temps,
dans le reste du monde, s'effectuait un cultural turn qui, rompant avec le
légitimisme culturel et la théorie critique héritée de l'école de Francfort,
ouvrait de nouveaux horizons méthodologiques propices à l'exploration de ces
formes contemporaines de représentations collectives que sont les imaginaires
produits, à flots continus, et de façon de plus en plus transnationalisée, par
les industries culturelles.
Depuis une dizaine d'année, une nouvelle génération de chercheurs s'attache
à la réévaluation de la tradition sociologique française postcritique (Edgar
Morin, Alain Touraine, Bruno Latour) et à son rapprochement avec les
propositions les plus récentes des cultural studies, des gender studies et des
postcolonial studies. Il s'agit avec ce livre, dans le prolongement de ces travaux,
de proposer non une étude de cas ou un manuel, mais une redéfinition
théorique et méthodologique d'un objet et d'un champ de recherche, à
travers leur genèse et leurs développements les plus récents, afin de dégager
les conditions d'une relance postcritique des recherches sur les industries
culturelles, la sphère publique et les médiacultures.