Les intellectuels québécois existent, l'auteur les a rencontrés. Pourtant, l'opinion commune admet difficilement qu'avant 1960, et à plus forte raison avant la Seconde Guerre mondiale, le Québec ait pu posséder ces raffinements des nations développées. La vision traditionnelle considérait en effet le Québec comme une pauvre petite province dramatiquement séparée de sa mère-patrie depuis 1763 et isolée des débats idéologiques du reste du monde.
L'auteur montre au contraire dans cet ouvrage comment les intellectuels, formés dans les collèges classiques et parfois en France, entreprennent dans l'entre-deux-guerres, une réflexion sur l'Etat et la nation québécoise. Cercles, associations et académies collégiales, réseaux, amitiés et lectures françaises, sont autant de composantes de leur formation.
Les intellectuels connaissent les idéologies européennes, surtout françaises, ils utilisent cette matière et élaborent des projets de société, cherchent des moyens de sortir de la crise, tentent de rénover le catholicisme, réfléchissent à la construction d'un Etat indépendant... Comme en France, ils pétitionnent, prennent la parole en public, fondent des revues et des mouvements de jeunesse...
Très riche, la documentation qui constitue cet ouvrage est en partie nouvelle, mais l'auteur expose aussi les trouvailles faites dans des fonds très connus. La perspective comparatiste permet d'appréhender des phénomènes jusque-là restés dans un "angle mort".