Quelques écrivains suisses sont invités en URSS par l'Union des écrivains soviétiques. Parmi eux, une jolie vieille dame que va saisir la passion.
Tel est le thème de ce roman qui nous promène, dans une fine ivresse, de la place Rouge au Caucase et du Bolchoï à la Neva. Passion pour qui ? Pour quoi ? Ce n'est certes pas l'un des délégués de l'intelligentsia helvétique qui pourrait séduire Catherine, la jolie vieille dame. Lourdauds ou rustres, ils donnent au livre sa dimension satirique. L'homme qui touche Catherine est Gania Kirlov. Nouveau cas d'âme sensible d'Occident entraînée dans une idylle impossible par un jeune guide officiel ? Oui, sans doute. Mais Corinna Bille possède l'art de la violence la plus tendre : elle va métamorphoser ce qu'un tel voyage, avec ses visites, excursions et séductions, a de parfaitement conventionnel. Sa soif de vivre la brûle jusqu'au tragique.
Il faut dire la justesse émerveillée de l'observation. L'accueil soviétique enveloppe et désespère. L'essentiel c'est la passion. Elle ouvre les yeux aux choses derrière les choses.
A travers Gania, et par le dialogue, muet le plus souvent, qu'elle poursuit avec lui, elle interpelle sa Russie intérieure. Elle la rend soudain présente, elle la fait humer et toucher, celle qui est rendue immense en elle par les romans de Dostoïevski, les paysages de Gogol, les rythmes de Stravinsky, la musique, si proche, de Tchekhov ou des nouvelles de Kazakov, l'auteur de La Petite Gare, que la vieille dame rencontre un jour à Moscou, isolé, presque hagard derrière ses lunettes épaisses, et à qui elle confie dans le brouhaha d'une bousculade officielle d'écrivains : «On vous aime.»