Certains jours de bagarre, apparaissaient sur le campus de
petites vieilles, un vol noir pareil à des étourneaux, toutes en
deuil, avec de minuscules chapeaux de pailles et, sur leurs
genoux, un sac à main de cuir verni. Cette fois-là, nous les
découvrîmes près des anciennes arches du patio. Elles étaient
cinq, assises sur un muret, serrées les unes contre les autres,
cachant leur bouche et leur nez sous des mouchoirs au liseré
de violette pour se protéger des gaz lacrymogènes.
«Mesdames, ne restez pas là, vous voyez bien que c'est
dangereux...» leur conseilla le bon La Carpe, appuyé
négligemment sur un manche de pioche.
«Merci mon petit, tu es bien agréable, mais tout ce tracas,
vois-tu, ça nous occupe...»
Nous partîmes en souriant du «ça nous occupe», persuadés
d'avoir croisé les fameuses «mémés qui aiment la castagne»
chantées par Nougaro.
Dans ce premier volet «De mémoire», Jann-Marc Rouillan revient
sur la fin de son adolescence, à Toulouse, en 1970. Les premiers
amis, premières amours, premiers camarades, puis les premières
armes ; mais aussi l'occasion de décrire une ville, une époque, des
moeurs et des idéaux qui furent déterminants pour celui qui
prendra bientôt le maquis contre la dictature franquiste.