«On connaît l'aphorisme de Jean Cocteau : qu'on peigne
un paysage ou une nature morte, on fait toujours son
propre portrait. Ai-je tracé le mien ? Ce n'est pas impossible.
J'ai surtout voulu cerner celui d'hommes et de
femmes qui ont traversé ma vie. C'est mon itinéraire.
J'ai choisi de témoigner, de parler de ceux que j'ai aimés,
admirés. De les éclairer à ma façon. Je n'ai jamais tenu de
journal, je me suis fié à ma mémoire. Comme toutes les
mémoires, la mienne est sélective.
Lorsque je regarde par-dessus mon épaule et que j'aperçois
ma vie déroulée, je mesure la chance qui fut la mienne de
rencontrer ceux dont je veux ranimer les traits, comme un
négatif photographique se développe lentement et transforme
l'image latente en image visible. Puissé-je avoir réussi
à animer ce théâtre d'ombres et ces fantômes qui n'ont
cessé de me poursuivre, qui sont le sel de ma vie, et qui,
dans mes rêves les plus fous, se rejoignent et mènent une
ronde merveilleuse et infernale qui ne s'arrêtera qu'avec
moi.»