Les latrines romaines ont, dans notre imaginaire collectif, une place particulière. Les vestiges bien conservés des villes d’Afrique du Nord ou d’Asie Mineure laissent en effet entrevoir une époque pendant laquelle la pudeur telle qu’on la conçoit actuellement n’existait pas, où le Romain n’hésitait pas à satisfaire ses besoins naturels devant son contemporain. Les chercheurs ont focalisé leur attention principalement sur la belle architecture, les grands bâtiments pouvant accueillir parfois plusieurs dizaines de personnes. Ces constructions ne forment pourtant qu’une minorité des latrines antiques. Le développement de l’archéologie permet désormais d’appréhender les aménagements les plus modestes et les plus fréquents, dont les simples fosses, cuvelées ou non, creusées dans le sol. En prenant en compte tous les types de structures d’une région bien déterminée de l’Empire romain — les provinces gauloises, germaniques et alpines —, cet ouvrage donne un aperçu, le plus complet possible, des lieux d’aisance et de leur utilisation. C’est une image différente de celle généralement admise qui apparait alors. Les aménagements sont, la plupart du temps, simples et répondent à la stricte utilité. Les belles latrines sont rares et n’apparaissent que tardivement. Un certain nombre de dispositions permettent d’isoler ces lieux de l’extérieur ; les latrines apparaissent comme un monde clos, refermé sur lui-même. Parallèlement aux constructions, pour la première fois, ce sont les structures mobiles qui sont considérées, tant sur le plan littéraire qu’archéologique : la matella, l’urinoir masculin, le scaphium, l’urinoir féminin, le lasanum, le pot de chambre, mais également l’amphore qui, en remploi, sert a récupérer l’urine pour les activités artisanales. La gestion des latrines au quotidien, leur financement, leur entretien sont étudiés. La circulation de l’eau usée, utilisée pour évacuer les déjections dans les égouts, est décrite tout comme celle de l’eau propre, servant autant au rinçage de l’éponge destinée à la propreté intime, au lavage des mains qu’au plaisir des yeux lorsqu’elle s’écoule à travers fontaines et bassins. C’est enfin l’attitude des usagers qui est analysée : les règles de bienséance de la société romaine ne s’appliquent pas dans cet espace particulier où se côtoient des populations variées. Si la multiplication des latrines a peut-être rendu la ville ponctuellement plus propre, elle n’en était pas pour autant plus hygiénique. C’est donc à une préoccupation primaire de l’homme de toutes les époques que cet ouvrage est consacré ; la gestion des déchets par les Romains rejoint ici l’une des préoccupations de nos sociétés contemporaines.