Devant lui, le convoi est immobile. Son point de vue bas vers le haut lui permet de voir sans être vu à travers les planches de la charrette. La charrette est immobile elle aussi. Mais pas vraiment. Elle bouge sur place et fait un bruit. Un bruit, encore un bruit, un bruit, ce bruit, toujours le même bruit. Elle grince, grince et re-grince en boucle, selon un rythme indéfini mais aisément perceptible pour qui sait écouter. Un rythme imparfait mais tout de même, oui, un rythme. Le rythme des humains qui sont dedans, se dit l'enfant. »
Août 1518. Dans une Alsace secouée par les révoltes paysannes, troublée par l'écart croissant entre riches marchands de Strasbourg et une population épuisée par des années de famine, tourmentée par la peur des maladies, de la mort, de l'Enfer et de ses créatures, surgit un étrange phénomène. En quelques jours, une épidémie de manie dansante jette un millier de malheureux dans les rues de la ville.
Les légions furieuses est une plongée dans le chaos de l'époque, où la petite histoire côtoie la grande. Les complots politiques se teintent de secrets de famille. La crise religieuse se double d'une crise sociale ancrée dans la vie quotidienne de l'Alsace au XVIe siècle, avec ses décors particuliers, ses bruits, ses odeurs. On suit les pas d'un curé naïf et maladroit, cherchant sa voie entre vices et vertus. Ceux d'un enfant sans père et sans nom. D'une femme étrange et ambiguë, à la naissance mystérieuse. On croise un chef de gouvernement très occupé à garder son pouvoir et un évêque qui tente de reconquérir le sien. Il leur faut faire vite. Car du haut de la chaire de la cathédrale, les prédications sont violentes. La réforme menace les pouvoirs en place. La révolte gronde. La chasse aux sorcières commence.