Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Luís de Camões (dit aussi Luis de Camoens). "Les Lusiades" ("Os Lusíadas"), long poème épique en dix chants commencé à Santarém en 1552, continué à Ceuta et probablement achevé à Macao vers 1556 mais publié à Lisbonne seulement en 1572, trois ans après son retour des Indes et un an après la bataille de Lépante, est le chef-d'œuvre de Camões. Le poème relate les péripéties non seulement de la célèbre expédition maritime qui permit la découverte des Indes par Vasco de Gama en 1497 — la flotte de petits bâtiments rapides, les escales (Canaries, Mauritanie, Cap-Vert, Sierra-Leone, Congo, Cap de Bonne-Espérance, Mozambique, Malabar, etc...), les peuples rencontrés, les intrigues, les batailles, les maladies, les tempêtes, etc. — mais également, grâce au récit de Gama devant le roi de Mélinde, à partir du troisième chant, tous les hauts faits de l'histoire du Portugal qui occupent ainsi un bon tiers du récit. Il s'agit donc bien d'une épopée nationale dans toute l'acception du terme, "Os Lusiadas" signifiant "Les Lusitaniens", en référence à la tradition mythologique selon laquelle Lusus, fils de Bacchus, ayant conquis le pays, laissa son nom à la Lusitanie. "Portugais, nous sommes de l'Occident / Nous allons à la recherche de l'Orient", proclame Camões. Un souffle de sensualité chaude et sensible parcourt l'ensemble des "Lusiades", véritable modèle "scénographique" d'art littéraire baroque. Camões s'y abandonne sans cesse à la volupté des couleurs, de la lumière, des odeurs et des sons. Toute la palette des rouges (rubis, vermillon, écarlate, pourpre, roux,...), toutes les choses étincelantes ou chatoyantes (or, argent, joyaux, cristal, diamant, étoiles, perles, rosée, larmes, fleurs, chevelures, soieries,...), tous les sons alertes (tambours, cymbales, trompettes, cris, artilleries,...) sont l'occcasion du chant pour le poète. Son caractère d'homme de la Renaissance s'y épanouit dans sa plénitude, d'abord dans l'extraordinaire ampleur de l'œuvre, ensuite par ce mélange, si typique de l'époque, de la mythologie et de l'histoire, du paganisme et de la religion chrétienne, que Camões trouve chez ses inspirateurs italiens. Vénus et Mars y protègent fermement les Portugais mais Bacchus les poursuit d'une hostilité opiniâtre. L'Olympe y est le théâtre de querelles rageuses, et nombreuses sont les menées de divinités adverses, en particulier celles de la mer. Ce recours à la mythologie et l'intervention des dieux païens dans l'ensemble du poème valurent d'ailleurs de sévères critiques à l'auteur. Si "Les Lusiades" sont parfois critiquées comme étant une œuvre inégale, elles restent cependant encore très vivantes. Évocateur aussi bien de la mer et du déchaînement des grandes forces élémentaires d'un univers sauvage que de l'insinuante douceur de l'exotisme — qu'il est le premier à introduire dans l'esprit européen —, Luís de Camões demeure comme un merveilleux musicien de la nature qui a inspiré et inspire encore de nombreux écrivains. Le Portugal célèbre toujours régulièrement son poète national par des fêtes triomphales.