Tu devrais dégager l'allée. Trop de ronces. Couper la glycine qui envahit tout. Tronçonner le vieux chêne qui s'est abattu sur le chemin. Dépoussiérer ton costume noir. Et puis te laver aussi, tu sens, Raymond.
Ils viendront. Peut-être même avec des fleurs de fleuristes qui n'ont plus de parfum. Faudra aussi que tu répares la balancelle pour les gamins. Je les entends déjà piailler. Jamais supporté les morveux et les morveuses, les genoux écorchés, les pantalons mouillés, les piqûres de guêpes, les chapardages, les pleurnicheries...
Les belles-filles vont encore bêtifier sur le petit dernier qui fera son petit sourire aux anges, son petit rot, son petit pet, quelle horreur... Elles prendront une petite voix ridicule et roucouleront pendant des heures autour de ce malheureux moutard obligé de subir leurs petits bisous baveux et leurs guilis dégueulasses.
Cent ans.
Je suis la vieille au bois dormant qui souffre d'insomnie. Je ne dors plus. Je ne me souviens même pas à quoi ressemble le sommeil. Encore moins à quoi ressemblent les rêves.
Au printemps 2012, Eric Dumez est allé à la rencontre de personnes âgées qui, pour la plupart, vivaient seules, souvent dans leurs maisons natales. Elles ont accepté de lui raconter des fragments de leurs vies, voyageant parfois sans transition de l'enfance à aujourd'hui.
De ces rencontres sont nés de petits textes théâtraux, accessibles à tous et notamment aux enfants. De courtes fictions sous forme de tranches de vie nourries des récits multiples, des émotions, des questions, mais aussi des silences captés au cours des entretiens...
Après avoir exercé de nombreuses activités liées au théâtre et à la culture, Eric Dumez s'est imposé comme l'un des auteurs majeurs de l'écriture dramatique francophone, tant pour les adultes que les jeunes. Belge, il vivait en Gascogne et menait des projets pour des partenaires un peu partout en Francophonie. Il est décédé à l'âge de cinquante-cinq ans en juin 2014, laissant une importante oeuvre inédite.