Depuis le XIXe siècle, l'hystérie est un défi pour la pensée médicale. Protéiforme, indéfinissable, elle oscille entre vapeurs et possession, entre mal de mère et mal du diable, entre simple "bovarysme" et folie, entre maladie nerveuse et maladie psychique. Objet d'études et de polémiques privilégié pour les neurologues et les psychiatres, l'hystérique est aussi une figure exposée, notamment lors des grandes séances publiques organisées par Charcot à la Salpêtrière. Ce théâtre de femmes gesticulantes, interminablement exhibées et photographiées, inspire et fascine alors le siècle tout entier.
Au carrefour de l'histoire médicale, sociale, politique, littéraire, et même religieuse, Nicole Edelman retrace dans ce livre les métamorphoses incessantes de cette maladie, qui se transforme au gré des découvertes médicales mais aussi des évolutions sociales, culturelles, voire politiques du siècle. Elle montre en particulier comment la figure de l'hystérique participe à la construction du modèle féminin dominant, épouse et mère de famille. À l'inverse, si l'hystérique masculin est médicalement concevable, il est socialement impensable, tant il met en danger la représentation de l'homme fort, équilibré, dominant ses passions. De même, dans le domaine des lettres, de Flaubert aux Goncourt, de Baudelaire à Maupassant et Zola, l'hystérique demeure immergée dans la trilogie du sexe, du sang et de la chair, alors même que la médecine écarte l'origine sexuelle de la maladie.
Nicole Edelman raconte ainsi l'histoire complexe de cette figure insaisissable et paradoxale qui sans cesse questionne l'unité du sujet hérité des Lumières et les frontières instables du normal et du pathologique.