Léon Daudet (1867-1942)
"On se fie rarement aux récits des voyageurs : c’est un soupçon commode, qui dispense d’étudier et de lancer des pierres dans les étangs mornes de l’esprit. Aussi n’essayerai-je pas de convaincre un lecteur trop rétif. S’il pense ce livre mensonger, qu’il le ferme et le jette. Je parle pour les autres, ceux qui ont confiance et cherchent à s’instruire.
Je m’appelle Félix Canelon. Si je m’observe au miroir, je retrouve sans trop de peine, sous le vieillard d’aujourd’hui, le jeune homme que j’aimais tant, aux regards vils, au nez busqué, aventureux, à l’âme inquiète mais ardente. J’ai maintenant cent cinq ans, bon pied, bon œil, excellent estomac, une femme adorée, deux enfants septuagénaires, cinq petits-fils et petites-filles et douze arrière-bambins qui font ma joie. Ce sont conditions d’optimisme nécessaires à qui veut raconter sans fiel des aventures passées et douloureuses, car le défaut de ces sortes d’entreprises est souvent de teindre de vieux événements avec une bile récente. On n’attribuera donc ma vivacité qu’à celle de mes souvenirs. Pour quelques heures, la fièvre de mon adolescence va renaître. Qu’elle soit la bienvenue !
J’étais un solide gars de dix-sept ans. J’habitais avec les miens une chère petite maison, près des faubourgs tumultueux et de la mer bruissante. J’avais reçu l’habituelle éducation de notre cité, laquelle, j’ai pu m’en convaincre au cours de mes voyages, est certes la meilleure de toutes. Chacun se porte bien, respire un air alerte, fait son devoir en chantant."
Quelle est cette île vers lequel s'approche le "Courrier", un voilier perdu sur une mer trop calme ? C'est le pays des Morticoles... des hypocondriaques ayant donné le pouvoir aux médecins et qui vivent dans une dictature sanitaire... Que va devenir l'équipage ?