Pourquoi la prise en considération des enjeux environnementaux
n'a-t-elle pas transformé la démocratie ? Pourquoi continuons-nous
d'adopter des styles de vie qui ont un impact destructeur à
la fois sur le plan écologique et social ? L'échec relatif des éthiques
environnementales vient notamment de ce qu'elles n'ont pas su
articuler l'écologie à une philosophie de l'existence, ni indiquer le
chemin d'une possible rénovation de la démocratie. C'est à cette
double tâche que s'attelle Corine Pelluchon.
Sa phénoménologie du «vivre de» prend au sérieux la corporéité
du sujet et la matérialité de l'existence. En envisageant tout ce
dont nous vivons, non comme de simples ressources, mais comme
des nourritures, l'auteur pense l'habitation de la terre comme une
cohabitation avec les autres hommes et les autres espèces. L'alimentation
est le paradigme de cette phénoménologie du sentir
qui part du plaisir attaché originairement au fait de vivre pour
montrer que, dans nos gestes quotidiens, nous sommes déjà en
rapport avec tous les vivants. La justice désigne alors le partage des
nourritures. La force de ce livre consiste à tirer les conséquences
politiques d'une telle philosophie, en proposant un nouveau
contrat social inscrivant la question animale et l'écologie au coeur
de la République et permettant à la démocratie de se réinventer.