Les détenteurs du pouvoir ne sont plus ceux qu'ils étaient. Au
fil des dix dernières années, avec la mondialisation, les lieux où le
pouvoir se concentre se sont déplacés, multipliés, éparpillés. Notez
la nuance : on s'intéresse aux pouvoirs au pluriel, et non plus au
Pouvoir au singulier et avec majuscule.
Mieux : au lendemain de ce printemps 2003 où la première
puissance du monde est intervenue militairement au Moyen-Orient
sans l'aval des Nations Unies, la nouvelle politique
sécuritaire du monde industriel radicalise cette volatilité des
pouvoirs. De puissants cabinets d'avocats, des sociétés de
lobbying multinationales, des financiers des médias, des ONG,
quelques organisations internationales ou l'administration
américaine elle-même les accaparent avec d'autant plus de
fluidité et de rapidité que chacun place le souci sécuritaire au
rang des priorités internationales.
Aujourd'hui, qu'on le veuille ou non, les règles qui encadrent
notre monde dépendent autant de nos parlementaires, que de
quelques cabinets juridiques basés à Londres ; les guerres qui le
secouent prennent autant leurs origines dans les incompréhensions
au conseil de sécurité de l'ONU que dans les discrètes
ententes entre George W. Bush et Robert Murdoch. Nos réactions
face au terrorisme sont autant influencées par notre éducation
que par la nature des liens de la chaîne Al-Jazirah avec l'émirat
du Qatar ; nos ressources énergétiques sont autant assurées par
la compagnie pétrolière BP, capable d'influencer le tracé des
frontières de la mer Caspienne, que par les ministres de l'Energie
de l'Union Européenne.
Avec la description de ces phénomènes et des affaires
inédites qui les relient, c'est une nouvelle carte des pouvoirs que
dessine ce livre. Où l'on pénètre les quartiers les moins éclairés
du village planétaire pour entrevoir la physionomie de nos
lendemains, et y découvrir, peut-être, des raisons d'espérer.