Ce livre rend sa voix au silence. La suppression des congrégations religieuses en 1792 plonge dans l'oubli l'ancien Oratoire de France. Certes, des noms ont survécu, des études se sont penchées sur l'engagement éducatif de ses brillants pédagogues ou son implication dans la querelle janséniste. Mais c'est négliger l'étendue de l'action de ses quelque 8 000 Pères et confrères dans le vaste champ de l'apostolat au point culminant de la Réforme catholique.
La sanctification du clergé, tel était en 1611 le projet de son fondateur, Pierre de Bérulle, dont l'oeuvre centralisatrice se greffe sur deux racines plus anciennes : l'italienne, l'Oratorio romano de Philippe Neri, la provençale, née de la dissidence de Jean-Baptiste Romillon, issu de la Doctrine chrétienne. En jeu, la question des voeux. Car l'Oratoire de France, institut séculier, n'en impose pas. Ici sont jetées ses fondations méridionales, premier chapitre d'une histoire singulière. L'emprise du « troisième département » oratorien couvre bientôt soixante-cinq diocèses et dix provinces ecclésiastiques.
Renouvelant une historiographie vieillie et souvent partisane, cette enquête redonne vie à des hommes, des voix, des tempéraments, met en lumière des mécanismes de pouvoir et d'autorité au sein d'une structure démocratique aux puissants entrelacs formant réseau. Mais jusque dans son fonctionnement intérieur, la congrégation savante, exigeante tant au plan intellectuel que spirituel, cultive en tout la liberté quelle reconnaît à chacun de ses membres, n'ayant pour règle que la charité. Son évolution est ainsi radiographiée du Grand Siècle aux Lumières, des lits de planches au goût des sciences, où le Verbe incarné fait place au « souverain moteur », jusqu'à ce que les options théologiques de certains de ses membres ne la mettent sous l'éteignoir avant la déflagration révolutionnaire.
Ce livre oriente le lecteur vers des bords inconnus jusque-là de la « longue et tragique histoire de l'Oratoire de France » (Dominique Julia).