La Révolution industrielle est souvent expliquée par l'innovation technique. Rejetant cette vision déjà largement corrigée, Pierre Gervais identifie un univers marchand plus ancien, dans lequel il s'agissait d'acheter et de vendre des marchandises, non de les fabriquer, des mécanismes monopolistiques permettant l'accumulation d'énormes fortunes. Cet univers, évoqué à travers les activités quotidiennes de marchands actifs entre New York et Philadelphie, atteint son apogée aux États-Unis après 1800: son succès, accéléré par le développement des transports, finit par rendre instables l'économie et la société américaines, et incita à la recherche de solutions inédites. Certains industriels entreprirent alors de reconquérir les marchés en baissant les coûts de production, en imposant des gains de productivité, en brisant la solidarité employeurs/employés caractéristique du monde préindustriel. L'efficacité productive mit fin à la domination marchande. Ainsi le capitalisme est né non de l'accomplissement de l'économie de marché, mais de son rejet.