Pendant les deux siècles et demi embrassés par cette nouvelle étude de
Jean-Pierre Tardieu, s'établit une dialectique entre nécessité économique
et justification religieuse au sujet de la traite et de l'esclavage des Noirs,
d'abord vers la péninsule Ibérique, puis vers les Amériques.
Elle évolua cependant afin de s'adapter aux circonstances. Plus le
réalisme s'imposait, plus les «docteurs» donnaient dans une subtilité de
raisonnement qui, sous des apparences rationnelles, s'éloignait du message
évangélique, au grand dam de certains penseurs que le fondamentalisme
amena progressivement à prendre des positions fort avancées pour
l'époque, tels les capucins Jaca et Moirans et leurs confrères d'Afrique à
la fin du XVIIe siècle.
Mais ils n'étaient pas de taille à s'opposer aux groupes de pouvoir
dont dépendaient financièrement les Couronnes espagnole et portugaise,
toujours dans le besoin. Avec le temps, même le probabilisme en matière
de traite et d'esclavage finit par être rejeté. Le capitalisme sucrier qui
surgit au XIXe siècle fit appel à de nouveaux slogans, comme celui de
la civilisation - la religion moderne - en accord avec l'évolution des
mentalités.