Chez nombre de nos contemporains marqués par la pensée de Nietzsche ou
plus récemment par les considérations de Michel Onfray, le christianisme est la
religion de la négation de la chair. La chair comme lieu de l'épanouissement
du désir sexuel mais pas seulement : que l'on pense à la bonne chère des
gourmets, à l'effort magnifié des sportifs, au bien-être procuré par une
thalassothérapie...
Or, comment ne pas être frappé par ce paradoxe : au coeur de la foi
chrétienne, il y a l'incarnation, le «devenir-chair» de Dieu, et au coeur de sa
pratique, la communion à la chair du Christ ?
Comment rendre compte d'un tel décalage - s'il est bien effectif - entre les
présupposés de la foi chrétienne et ses réalisations historiques et contingentes ?
Certes il y a bien Paul de Tarse et sa mise en garde contre l'empire de la chair,
mais c'est très rapidement sur les Pères de l'Eglise et leurs enseignements que
se porte le soupçon.
A partir d'Origène (début IIIe siècle) se multiplient les appels à la
continence et les discours affirmant la supériorité du célibat sur le mariage. Les
chrétiens désertent les lieux habituels de la sociabilité gréco-romaine que sont
le stade, le théâtre ou encore les thermes. La frugalité du monachisme frise
parfois la mise en danger d'autrui. Tout cela pour soumettre la chair, quitte à
l'assommer !
Il restait à vérifier si une telle présentation aussi rapide qu'interprétative est
conforme à ce qu'ont vécu réellement les premiers chrétiens de cette relation à la chair
comme lieu de leur «être au monde». C'est à cette tâche que s'est efforcé de répondre
le Vème colloque de Patristique de La Rochelle.