Depuis 1750, l'acte de vote a fait l'objet d'une profonde évolution.
Expression collective des voeux des corps et communautés à la fin de l'Ancien Régime, il demeure soumis à l'ordre monarchique. La Révolution en instituant le mandat représentatif fait du vote le fondement de la légitimation du pouvoir au sein de la démocratie représentative, sanctionnant la séparation des fonctions d'élection et de délibération entre citoyens et représentants. Elle place le citoyen au coeur des assemblées, sans néanmoins individualiser fortement le processus de choix, et fait du résultat l'expression de la Nation. Mais les assemblées sont livrées à elles-mêmes et le jeu électoral est déréglé.
Sous tutelle de 1800 à 1848, l'instrument de délégation du pouvoir est encadré et l'individualisation du vote est approfondie dans les collèges. Celle-ci s'accompagne de la généralisation des candidatures et des campagnes électorales alors que l'apprentissage régulier du scrutin permet aux électeurs d'accepter leur rôle dans le mécanisme de la représentation. Le suffrage universel de 1848 assure l'adaptation technique aux élections de masse et l'individualisation du suffrage est prolongée, physiquement par la dissolution du vote en assemblée, intellectuellement par la soustraction de l'électeur aux influences de son entourage comme aux pressions de la campagne électorale en 1914. Objet d'une symbolique civique, le vote obéit désormais à une procédure élaborée qui répond à la mutation des fondements de la société d'Ancien Régime et au renversement de la fonction électorale. Il a dû composer avec les irrégularités observées au fil des années par l'instauration d'une discipline citoyenne qui maintient et fait accepter l'exercice régulier du vote comme seule alternative à la violence et comme principal instrument de participation démocratique.