Mais qui est cet immigré clandestin dont on n'arrive à déceler ni l'origine
ni la langue ? Qui se cache derrière son silence ? Quelle est l'histoire qu'il ne
veut pas (ou ne peut pas) raconter ?
En deux cents pages inoubliables, Jesús Díaz met en scène l'incroyable
destin de Manuel, le plus brillant des chercheurs cubains de l'Institut de
physique des basses températures de l'URSS, et le seul qui refusa de rentrer
à Cuba en 1991, au moment de l'effondrement du bloc soviétique. Pendant
les douze mois vertigineux qui commencent avec le coup d'État contre
Mikhaïl Gorbatchev et conduisent à l'interdiction du Parti communiste, il
essaie d'échapper à la police de Castro en changeant de pays, de langue et
d'identité, mais en restant toujours fidèle à ses rêves. C'est ainsi que son
odyssée devient la métaphore d'un monde à la dérive où tout peut arriver :
«L'Histoire est une erreur !» lui confie sa maîtresse, Ayinray, la communiste
chilienne qui l'accueille dans son appartement moscovite ; «La liberté est
proche !» lui annonce d'un air triomphal son ami Sacha, le nationaliste
ukrainien ; «Je ne vois rien de bon dans l'avenir, Manuel, rien», lui dit son
directeur de recherches, le vieux et sage Derkatchev. Et il ajoute aussitôt :
«Il m'arrive de me demander si l'histoire de l'humanité a un sens.»
En réalité, elle n'en a ni plus ni moins que la vie d'un homme. Après maintes
aventures et mésaventures plus rocambolesques les unes que les autres,
le destin du jeune prodige devient celui d'un sans-papiers dans l'Europe de
la fin du XXe siècle. Mais une surprise attend encore le lecteur dans les dernières
pages et elle est de taille : ce roman d'apprentissage, cette histoire
à multiples rebondissements, est aussi un chant d'espoir et un appel à la
solidarité entre les hommes, peut-être le plus beau témoignage sur notre
époque que nous ait laissé Jesús Díaz.