Le style est une dimension des oeuvres musicales dont
nous faisons l'expérience tous les jours, mais pour
familière qu'elle soit, cela ne signifie pas que nous en
ayons, musicologiquement parlant, une connaissance
profonde.
Si Les Règles de la musique devrait faire date dans notre
discipline, c'est tout d'abord parce que les auteurs ont
parfaitement assimilé toutes les recherches contemporaines
dans les domaines de l'analyse, de la stylistique, de
la sémiologie et des approches cognitives. Ce faisant, ils
adoptent des positions personnelles et originales qui les
distinguent. C'est ensuite parce qu'ils ont eu la sagesse de
choisir un corpus qu'il était réaliste de maîtriser, ce qui
ne signifie pas qu'il était facile à analyser.
Les règles proposées décrivent tous les paramètres des
airs des cantates de Giovanni Legrenzi. Celles qui
concernent la mélodie sont comparées à un échantillonnage
puisé dans dix siècles de musique occidentale, du
grégorien à Debussy, ce qui permet aux auteurs de réintégrer
la dimension synchronique dans leur approche
analytique. Institutionnellement, ils contribuent ainsi à
abattre les malencontreuses barrières entre historiens
de la musique et analystes.
Il n'est pas impossible que l'ouvrage qui nous est livré
aujourd'hui, outre ce qu'il apporte de nouveau à la
méthodologie de l'analyse stylistique et à la connaissance
des styles musicaux, provoque aussi quelques changements
dans notre manière de concevoir l'histoire de la musique.
La parution des Règles de la musique est un événement.
Jean-Jacques Nattiez