Ceux que Doisneau nomme les «bâtisseurs chimériques»,
Ehrmann les «inspirés», sont baptisés
les «révoltés du Merveilleux» par Charles
Soubeyran - qui a repéré une vingtaine de ces
excentriques de l'art dans l'oeuvre des deux
photographes (qui se sont du reste rencontrés
sur cinq d'entre eux, le facteur Cheval et
Gaston Chaissac notamment). Ces irréguliers,
«insoucieux du qu'en dira-t-on, choisissant leurs
matériaux sans référence aux canons esthétiques
de leur époque, qui ont construit leurs oeuvres
en totale liberté», ces artistes loin de toute correction
esthétique, ces marginaux individualistes,
représentants inconscients d'un véritable art
populaire, ont naturellement passionné Ehrmann
et Doisneau qui ont, par la photographie, donné
une postérité à des originaux dont les oeuvres
déroutantes, faites de singularité et d'étrangeté,
sont fatalement vouées à disparaître.
Le mérite de Charles Soubeyran est, non seulement
d'avoir réuni ces archives croisées, mais
encore de les présenter assorties de divers documents
d'époque qui contribuent à donner sens à
des pratiques créatrices qui sont le plus souvent
considérées avec indifférence sinon dédain.