Au premier siècle de l'islam, la majeure partie de
l'Empire romain chrétien, de la Syrie à l'Espagne,
passa sous la coupe des musulmans. Confrontés à
cette conquête aux proportions inédites, comment les
chrétiens du Moyen Âge réagirent-ils, face à ce qu'ils
percevaient comme une menace épouvantable, face
aux Sarrasins et à leur «loi» ?
À cette foi nouvelle, certains se convertirent ;
d'autres prirent les armes pour lutter contre
elle. D'autres encore choisirent de combattre
par le verbe cette religion si orgueilleusement
triomphante, qui semblait dire aux chrétiens
que leur Dieu les avait abandonnés. C'est ainsi
que, entre le VIIe et le XIIIe siècle, nombreux
furent les polémistes qui prirent la plume pour
en saper les fondements mêmes. L'islam ? Au
pire, un culte païen, au mieux une hérésie.
Mahomet ? Une nouvelle idole, ou un faux
prophète lubrique. Le Coran ? Un tissu d'insanités,
dont on cite des passages évidemment falsifiés. Au
fil des siècles, les stratégies des penseurs chrétiens ou
des missionnaires européens évoluent, à mesure que
l'islam est mieux connu, pour affiner la charge et les
arguments théologiques. Mais la guerre idéologique
demeure un enjeu fondamental, si marquant qu'il
sous-tend nos propres représentations aujourd'hui : le
sentiment de supériorité des Occidentaux à l'égard
des musulmans et des Arabes n'est pas né avec la colonisation,
il plonge ses racines au Moyen Âge.