Sans doute issu d'une rencontre complice entre
Rabelais et un graveur anonyme, sinon avec l'éditeur,
ce recueil singulier nous plonge dans un univers
fantastique qui illustre la verve satirique propre aux écrits
de cette époque, qu'il s'agisse du monde gargantuesque
ou de l'humanisme renaissant et notamment réformé.
L'auteur de Pantagruel, qui connut de son temps un «succès
de librairie» exceptionnel, n'est pas l'auteur de ce
recueil, mais ce n'est pas abus d'imprimeur que d'en souligner
le rôle d'inspirateur, que l'on imagine débonnaire
et enjoué. C'est le tableau presque sociologique d'une
société où prédomine le prestige absurde et dérisoire des
pouvoirs militaire et clérical dans un carnaval de morgue
et de violence où l'outrance multiplie orifices et appendices
monstrueux. Le siècle de la Renaissance fut un siècle
de guerres et de cruautés répressives à l'encontre de la
critique. Évocatrices de Jérôme Bosch et de la comédie
italienne, annonciatrices de Jacques Callot, ces figures ont
pu être interprétées comme les caricatures hardies de tels
rois, tels papes, etc. Sans entrer dans ces débats, nous
noterons leur caractère prodigieusement annonciateur
et leur véracité actuelle ; ainsi, on a pu reconnaître la
concierge de notre enfance, le surveillant général du lycée
de notre jeunesse, un ancien ministre prévaricateur et un
autre libidineux. On ne précisera pas davantage ces
actualisations également discutables.