« Écoutez Don Juan, je veux dire : si, en l'écoutant, vous ne pouvez avoir de lui une idée, vous n'en serez jamais capable. Écoutez le début de sa vie ; comme l'éclair jaillissant des sombres nuées d'orage, il surgit des profondeurs du sérieux, plus rapide que l'éclair, plus capricieux que lui, mais pourtant aussi sûr ; écoutez-le se précipiter dans la diversité de la vie et se heurter à ses solides remparts ; écoutez ces légers accents du violon au bal, l'appel de la joie, l'allégresse du plaisir, la solennelle félicité de la jouissance ; écoutez son essor fougueux où il se dépasse lui-même, toujours plus rapide et toujours plus irrésistible ; écoutez la convoitise effrénée de la passion, le murmure de l'amour, le chuchotement de la tentation, le tourbillon de la séduction, le silence de l'instant - écoutez, écoutez, écoutez le Don Juan de Mozart. »
Kierkegaard, « Les Stades immédiats de l'éros », 1843
« Les Stades immédiats de l'éros ou l'Éros et la musique » et « Silhouettes », les deux textes réunis dans le présent volume, qui font contrepoint au Journal du séducteur et nuancent l'approche du « stade esthétique », sont comme lui extraits de L'Alternative, le premier livre de Soren Kierkegaard (1813-1855). Ces deux essais, écrits dans l'enthousiasme par un jeune homme de trente ans, comptent parmi les plus belles pages qui aient jamais été consacrées au Don Juan de Mozart.