Mettant à profit la longue durée, de 1836 à 1918, cette
étude montre la mise en place et la déconstruction de liens collectifs
d'allégeance ainsi que les conditions de possibilité d'une
forme particulière de notabilité à la fois politique et industrielle
entre la France et l'Allemagne. Ce travail basé sur l'étude du
bassin d'emploi sarregueminois éclaire ainsi quelques questions
privilégiées de la sociologie politique. En effet, analyser l'activité
des patrons-notables de la faïencerie locale revient à prêter
attention aux incarnations successives des processus de notabilisation,
de politisation et de professionnalisation politique,
ainsi qu'aux apprentissages de la démocratie et des liens politiques
localisés. La mise à jour de ces transformations est combinée
ici - et c'est une des originalités de l'ouvrage - avec l'analyse
des politiques menées par les industriels : le paternalisme,
les politiques sociales, entre sphère privée et action publique, et
plus largement les politiques publiques lancées par ces patrons,
leurs rapports à l'État et ses ressources et les relations élus-fonctionnaires.
Autour de l'annexion allemande de l'Alsace-Lorraine
en 1871, le cadre de la France de l'Est permet d'interroger
de la sorte les rapports entre territoire(s) et politique(s), le
façonnage complexe des identités et territoires en périphérie, la
francophilie comme ressource politique dans les régions frontalières,
mais aussi l'action collective et les mobilisations partisanes,
syndicales, religieuses et nationales.