Produit d'une structure du marché du travail qui ne se limite pas
aux cadres étatiques, le travailleur frontalier se définit par sa résidence
et son activité dans deux espaces nationaux différents, entre lesquels il
se déplace quotidiennement. Sa situation est liée à des accords binationaux
et, de plus en plus, à la réglementation communautaire. Pourtant,
la protection sociale, les régimes de chômage, invalidité, retraite, ou
encore la fiscalité, ne coïncident pas pleinement entre les différents
États. Les espaces frontaliers de la France de l'Est constituent un terrain
exemplaire : ils offrent des comparaisons à la fois au sein de
l'Union Européenne - vis-à-vis de la Belgique, du Luxembourg et de
l'Allemagne -, mais aussi par rapport à la Suisse. Grâce à une enquête
sociologique auprès des représentants de la main d'oeuvre transfrontalière
en Europe, cet ouvrage analyse les conditions variables d'accès de
groupes associatifs au champ décisionnel national et européen. La
défense des travailleurs frontaliers apparaît de prime abord comme une
cause illégitime, confrontée à une image négative de profiteurs et de
corporatisme. C'est par la production d'une expertise militante mobilisant
le droit communautaire que les porte-parole entreprennent de
contourner ces obstacles, à travers des compétences et des savoir-faire
valorisés dans le nouvel espace politique européen. Cela suppose en
particulier une professionnalisation des pratiques, passant par toute une
formation pour ces acteurs «de terrain».