La vie du professeur Jean Bernard est une vie singulière.
Vie consacrée à la science, à la recherche, aux autres, tout
simplement. Professeur de médecine et hématologue de réputation
mondiale, Jean Bernard, qui avance gaillardement vers
son centième anniversaire, est l'une des gloires de la médecine
française, l'un des «grands patrons» les plus marquants
du XXe siècle. Il n'aura laissé personne indifférent, ni ses
patients ni, surtout, ses élèves. Sa clairvoyance et sa hauteur
de vue lui vaudront le rôle que l'on sait au sein du Comité
national d'éthique, destiné à parer aux dangers de la science
sans conscience et de l'acharnement thérapeutique. Pour
autant transparaît entre les lignes de ce livre d'entretiens une
modestie qui n'est pas feinte, une modestie qui est la marque
des intelligences véritablement supérieures.
Surtout, l'ouvrage permet de découvrir un Jean Bernard
méconnu, voire inconnu. L'amoureux des lettres, lui qui a
côtoyé nombre des plus grands écrivains français du siècle
dernier, lui qui était un lecteur et un client assidu de la librairie
d'Adrienne Monnier, dont la description fait l'objet de l'un
des passages les plus forts du livre. Lui l'amoureux du jardin
du Luxembourg, qui est en quelque sorte à Jean Bernard ce
que la gare de Perpignan fut à Dalí. Occasion, là encore, de
donner quelques très belles pages. Remarquables également
par leur intérêt, les souvenirs de voyage du professeur,
derrière le rideau de Fer, ou en Chine, dont la médecine
traditionnelle fascine encore et toujours, et surtout les esprits
scientifiques formés «à l'occidentale». Enfin l'évocation de
la Seconde Guerre mondiale ne laissera aucun lecteur indifférent,
pas plus que les passages de vulgarisation très intelligente
où Jean Bernard explique et résume sa démarche scientifique.