L'économie sociale, devenue de surcroît « solidaire » dans la décennie 1990, ne se laisse pas saisir facilement. Nombre d'efforts ont été déployés pour en donner une définition, pour en saisir la nature ou à défaut la substance spécifique. Tous se sont heurtés à son inexorable fragmentation et, qu'on la prenne dans une perspective diachronique ou synchronique, à l'impossibilité de ramener le phénomène à des caractéristiques nettement définies permettant de le circonscrire dans une unité conceptuelle.
Plutôt que d'y voir un héritage circonstanciel en voie de dépassement, ce que les récents efforts dans ce sens démentent, il est sans doute plus fécond de partir de l'hypothèse selon laquelle cet état de fait appartient à sa nature Pour le dire autrement, ce que l'on nomme « économie sociale et solidaire » ne peut être que relativement indéfinissable dans son essence et impossible à circonscrire dans son contenu et son étendue. Bref, il s'agit d'une notion, voire d'une sorte de standard dont on peut recouvrir activités, mais pas d'un concept.
Pour valider cette hypothèse, le présent ouvrage convie à envisager l'économie sociale et solidaire selon trois approches distinctes qui en constituent en réalité les trois visages en interaction. L'économie sociale et solidaire résulte d'abord d'un phénomène d'institutionnalisation, elle est à référer à un contexte politique, social et économique qui la porte et lui confère ses caractéristiques fondamentales. Elle est ensuite un processus fortement enraciné dans ses logiques propres de développement qui la constituent en un produit d'innovations, de représentations, d'expériences constantes constituant autant de trajectoires. Enfin, l'inscription territoriale des expériences d'économie sociale et solidaire vaut mise à l'épreuve de leurs valeurs, héritages, et cadres institutionnels structurants.