Pourquoi consacrer un ouvrage aux rites funéraires des Winye ?
En premier lieu pour donner un exemple de société dans laquelle bien réussir sa mort et les funérailles qui seront accomplies en son nom est plus important que de réussir sa vie. L'ouvrage, fondé sur des enquêtes de terrain qui se poursuivent depuis 1983, documente abondamment cette question. Il insiste sur le fait que les différentes cérémonies funéraires sont autant d'occasions de régler les dettes du disparu envers les groupes (notamment les castes et la parenté maternelle) qui sont à l'origine de sa vie et de la trajectoire prospère qu'il a pu connaître et de traiter son corps et son âme de telle manière que cette trajectoire se prolonge après la mort. Une fois que ses dettes sont remboursées, son corps lavé, rasé, vêtu et pourvu d'argent pour son voyage, le défunt accède au statut d'ancêtre, c'est-à-dire d'être complet, qui « se possède ». Les biens utilisés pour régler ses dettes, pour ce qui concerne la parenté maternelle, doivent être interprétés non pas comme des compensations - ce ne sont pas des « prix de la fiancée » qui seraient versés de manière différée - mais comme des incitations pour les groupes qui en sont bénéficiaires à poursuivre leurs tâches et leurs activités, à oeuvrer comme leurs ascendants l'ont fait pour doter d'une vie et de destins favorables des enfants à naître (via le don de femmes à marier).
Cet ouvrage se justifie en second lieu par la nécessité de conserver une trace écrite à propos de pratiques funéraires qui sont en danger de disparaître ou qui ont déjà disparu. Ces manières complètes d'être et de mourir que développent les Winye et qu'expriment leurs coutumes funéraires sont en effet actuellement de plus en plus contestées et remises en question par d'autres référentiels, proposés par les religions révélées, notamment l'islam et l'évangélisme. Ces cultes, dont l'influence est grandissante dans l'ensemble de l'aire winye et du Burkina Faso, proposent des modalités exhaustives de définition de ce que sont la bonne vie et la bonne mort, qui sont des voies alternatives à celles que propose l'animisme. Leur avantage est d'offrir, au moment du décès, des rituels très simplifiés, peu coûteux en temps, en argent et en relations sociales, donc en adéquation avec les pressions actuelles et la paupérisation économique croissante du monde agricole burkinabè.